Qu’arrive-t-il si je ne traite pas la
salpingite? Est-ce dangereux?
Les trompes
altérées par une salpingite risquent de ne plus pouvoir jouer leur rôle, qui
est essentiel. C’est en effet dans les trompes que se rencontrent l’ovule et le
spermatozoïde et c’est aussi dans la trompe que se produisent les premières
divisions de l’œuf avant qu'il n'aille nicher dans l’utérus.
L'infection a pour effet de boucher les trompes ou d'en modifier les parois,
multipliant les risques d’avortement spontané ou de grossesse extra-utérine.
Traitement
Une femme
qui a déjà eu une salpingite a d'ailleurs un risque de grossesse extra-utérine
multiplié par six. Mais, parmi les conséquences de la salpingite, c’est
l’infertilité qui occupe le premier rang. La salpingite est fréquemment découverte
à posteriori lors d’un bilan médical pour infertilité, ce qui confirme la
fréquence de l’évolution « silencieuse » de cette maladie.
Plus une femme a souffert fréquemment de cette
infection, plus le risque de stérilité est grand : après un épisode, le
risque est d’environ 15 %. Après deux, le risque double à 30 % et il
atteint 60 % chez les femmes qui ont eu trois salpingites ou plus.
Salpingites : séquelles et conséquences
Les séquelles de l'infection
génitale haute de la femme sont liées à deux facteurs :
- la fragilité des trompes dont la
muqueuse, une fois détruite par l'infection, ne se régénère pas, et dont le
canal s'obture partiellement ou complètement de façon définitive,
‑ la tendance qu'a le péritoine
pelvien infecté à sécréter un exsudat fibrineux, responsable d'adhérences
péri-tubo-ovariennes.
Ces séquelles sont de trois ordres :
1- stérilités tubaires obstructives,
2- douleurs pelviennes chroniques,
3- grossesses extra-utérines (GEU).
1. Stérilités tubaires :
Les salpingites représentent la
cause majeure des stérilités tubaires et l'on ne saurait plus à l'heure
actuelle considérer comme facteur étiologique les seules salpingites aiguës ou
subaiguës, mais également les salpingites silencieuses d'emblée, totalement
infracliniques.
Même guéries, les salpingites ont
pour séquelles une stérilité tubaire dans 15 à 20 % des cas, ce risque
doublant pour une femme donnée à chaque nouvelle salpingite
Le rôle important des salpingites
chroniques infracliniques a été plus récemment mis en évidence. Les examens
anatomique et histologique montrent que la stérilité tubaire a une cause infectieuse dans 80 % des cas ; parmi les femmes atteintes, 30 % seulement ont un
antécédent connu de salpingite, 15 % ont eu un ou plusieurs épisodes de douleurs
pelviennes, négligés soit par elles soit par leur médecin, 5 % relèvent d'une
cause spécifique (tuberculose, appendicite compliquée…) et 50 % n'ont
aucun antécédent particulier ; la salpingite silencieuse infra clinique est donc un fournisseur de stérilité plus important que la
salpingite aiguë.
1) Rappel
microbiologique :
De nombreux travaux ont maintenant
démontré que Chlamydia trachomatis, incriminé dans 50 % des salpingites aiguës
est à la fois la cause majeure des salpingites silencieuses et des stérilités
tubaires.
La relation entre infection à C.
trachomatis et stérilité tubaire a été démontrée d'une part par des études
sérologiques, d'autre part par des cultures pelviennes ; la sérologie pour C.
trachomatis est positive de façon significativement élevée (60 à 80 % des cas)
chez les femmes atteintes de stérilité tubaire, contre 15 % chez des groupes
témoins de femmes fécondes ou à trompes normales.
D'autres facteurs microbiens peuvent
intervenir : infection à germes banals, fréquente dans les salpingites aiguës
(soit qu'elle surinfecte une trompe mordancée par l'infection sexuelle, soit
qu'elle existe d'emblée) ; ces germes sont retrouvés dans le pelvis chez la
femme stérile dans 5 % des cas. Il s'agit d'aérobies ou d'anaérobies divers, à
pousse lente : proteus, E. coli, streptocoques divers, Gardnerella…
Des infections spécifiques,
tuberculose ou bilharziose génitale sont rares et se voient surtout chez les
immigrées originaires de pays non protégés. L'infection, également silencieuse,
est découverte à l'occasion de l'infertilité.
2) Attitude
du praticien devant une stérilité tubaire :
On saura s'orienter rapidement vers
le diagnostic de stérilité tubaire :
. d'une part par l'interrogatoire : couples dont
l'un des partenaires a des antécédents connus d’IST, femmes ayant des
antécédents non seulement de salpingite connue mais aussi d'infection génitale
basse, de douleurs pelviennes inexpliquées, ou de partenaires multiples,
. d'autre part par la sérologie de C. trachomatis,
examen demandé systématiquement dès la première consultation pour stérilité,
et dont la positivité (taux d'IgG > 1/32) oriente vers un facteur mécanique
d'infertilité.
- Un bilan bactériologique s'impose
avant de procéder à des examens agressifs (hystérographie, cœlioscopie),
nécessaires pour étayer le diagnostic : on recherchera une infection des voies
génitales basses des deux partenaires et en particulier une chlamydiose ; une
infection latente des voies génitales hautes par l'examen clinique, la VS.
- L'hystérosalpingographie (HSG),
faite après traitement de toute infection gynécologique, en première partie du
cycle, et encadrée systématiquement par un traitement antibiotique, va mettre
en évidence, dans la majorité des cas, l'origine mécanique de la stérilité.
Elle est l'examen clé pour l'étude
de l'isthme tubaire, et pour certains diagnostics particuliers comme la
tuberculose et la bilharziose ; elle montre la plupart des lésions tubaires
distales : hydrosalpinx, absence d'injection partielle ou totale d'une ou des
deux trompes, absence de diffusion du produit, témoin d'une sténose tubaire, ou
d'adhérences péritubaires ; cependant, elle peut être normale alors qu'il
existe un facteur mécanique, en particulier des adhérences péri‑ovariennes.
- La cœlioscopie est indispensable
au bilan, dès que l'HSG est anormale ; elle seule révèlera un
certain nombre de stérilités mécaniques (adhérences péritubaires, sténoses
tubaires partielles) ; on saura donc en poser les indications en cas d'échec
des traitements après un laps de temps que la plupart des auteurs évaluent à
deux ans.
Cet examen, fait sous anesthésie
générale, permet d'étudier :
. la gravité des lésions tubaires et l'étendue des
adhérences pelviennes,
. les lésions associées, parfois insoupçonnées par
l'hystérographie (endométriose),
. l'existence d'un état inflammatoire chronique,
soit visible (1/3 des cas), soit découvert par l'examen histologique des
biopsies (2/3 des cas). Nous avons décrit le pelvis visqueux, caractéristique
de cette infection silencieuse, hautement évocateur d'infection à C.
trachomatis avec ses adhérences mollasses et rougeâtres, son péritoine
recouvert d'un exsudat visqueux, son liquide jaune, épais dans le cul-de-sac
de Douglas et la présence de pseudo‑kystes adhérentiels groupés en œufs de
grenouille auprès des trompes et des ovaires.
La cœlioscopie permet de faire des
prélèvements microbiologiques pour rechercher un agent infectieux actif.
- L'endosalpingoscopie ampullaire ou
tuboscopie est une donnée relativement récente.
Des travaux faits essentiellement en
peropératoire lors de plasties tubaires, ont montré que l'étude de l'état de la
muqueuse tubaire est déterminante quant au pronostic de la stérilité opérée ;
les chances d'avoir une grossesse normale sont directement liées à la persistance
d'une muqueuse ampullaire correcte, conservant ses plis et ses villosités
indispensables à la migration de l'œuf vers l'utérus. Des altérations de cette
muqueuse, zones plates, synéchies, disparition plus ou moins complète des
villosités, sont irréductibles et entraînent une réduction hautement significative
du taux de fécondation, ainsi qu'une quasi disparition des grossesses normales,
les seules fécondations obtenues étant soit des grossesses extra-utérines,
soit des grossesses avec avortement spontané précoce.
3)
Traitement des stérilités tubaires :
Ce traitement a bénéficié d'une
évolution considérable tenant d'une part à l'amélioration des anciennes
techniques par la microchirurgie, d'autre part à une meilleure compréhension
des mécanismes pathologiques (infection infraclinique), enfin à une technique
révolutionnaire : la fécondation in vitro.
- La microchirurgie tubaire :
l'apport du grossissement par loupe binoculaire, et surtout des techniques
fines de dissection (micropointes, laser) et de sutures (microfils résorbables
ou non) a permis aux équipes spécialisées un gain de grossesses, le taux moyen
passant de 20 % à 40, 60 et 70 % selon que les lésions entraînent une
obturation, une sténose ou de simples adhérences péritubaires.
- La fécondation in vitro :
révolutionnaire dans son principe, elle consiste à négliger délibérément le
facteur mécanique en prélevant chez la femme des ovules stimulés, en les
fécondant avec le sperme du mari, et en replaçant après quelques jours l'œuf
dans l'utérus.
La recherche et le traitement d'une
infection, notamment à C. trachomatis fait partie du bilan préalable et des
conditions de succès de cette technique (le taux de réussite est significativement plus élevé quand la sérologie
pour C. trachomatis est négative).
2. Douleurs pelviennes
chroniques :
Ces états, qui retentissent souvent
péniblement sur le psychisme d'une femme, relèvent de causes multiples,
infectieuses ou non infectieuses (endométriose, syndrome de Masters et Allen…)
; il est facile de les rattacher à cette cause si l'état infectieux initial a
été aigu et diagnostiqué, beaucoup plus difficile s'il a été infra clinique ;
la cœlioscopie joue un rôle important et permettra de savoir s'il s'agit :
- de l'état séculaire d'une
infection ancienne, en particulier d'adhérences péri‑tubo‑ovariennes
("ovaire corseté"),
‑ d'un état inflammatoire chronique
évolutif avec présence d'un agent bactérien,
‑ ou d'un état inflammatoire
chronique sans germe retrouvé, le problème étant alors de savoir s'il est
"auto‑entretenu" ou si les cultures sont en défaut.
La prudence doit cependant être de
règle devant l'existence d'adhérences, avant de rattacher la douleur ressentie
par la patiente aux anomalies anatomiques observées ; la cure bactériologique
de l'état infectieux, la cure chirurgicale des adhérences, obtiennent des
succès spectaculaires, mais inconstants ; le psychisme de la patiente, le
nombre d'années pendant lesquelles la douleur s'est imprimé dans le circuit
sensitif qui en gardera le souvenir, le vécu de l'état douloureux par rapport à
l'entourage jouent on le sait un rôle important dans la persistance de ces
douleurs, même après la guérison des lésions anatomiques. D'autre part, des
statistiques ont montré que les adhérences observées par cœlioscopie sont aussi
fréquentes, quelle que soit leur localisation, chez des femmes consultant pour
stérilité en n'ayant aucune douleur, que chez les femmes consultant pour des
douleurs pelviennes.
Avant d'entreprendre une cure
chirurgicale, la prudence est donc d'épuiser les traitements médicaux, et en
particulier de faire un test de blocage ovarien par les estroprogestatifs ou
les progestatifs seuls.
3. Grossesse extra-utérine
Prévention de ces séquelles :
On peut proposer une série de mesures préventives, visant à diminuer le
nombre d'infections tubaires et à en limiter les conséquences :
- Diagnostic rapide et traitement attentif des salpingites aiguës par une
antibiothérapie polyvalente, comportant un antibiotique actif sur Chlamydia
trachomatis.
- Définition des sujets à risques : célibataires à vie sexuelle libre,
divorces en cours, partenaires multiples chez l'un ou l'autre des membres d'un
couple, partenaire(s) d'un sujet infecté ou de santé inconnue ; instruction de
la population pour que ces sujets se reconnaissent comme tels et consultent.
- Lutte contre la diffusion des IST, gonocoque et surtout C. trachomatis
par le dépistage systématique de l'infection des voies génitales basses chez
les sujets à risques, grâce à la culture ou aux anticorps monoclonaux. En cas
d'infection, traitement systématique non seulement du sujet atteint mais aussi
de ses partenaires.
- Dépistage chez la femme des infections silencieuses des voies génitales
hautes en utilisant le marqueur biologique qu'est la sérologie pour C. trachomatis.
Une étude sérologique systématique devrait donc être demandée à intervalles
réguliers chez les sujets jeunes "à risques" ou chaque fois qu'un
événement clinique fait suspecter une contamination ; elle paraît aussi
intéressante au plan santé que celle de la sérologie syphilitique. Une
positivité nouvelle ou une élévation du taux d'IgG devraient déboucher sur un
traitement de tétracyclines de synthèse ou de macrolides.
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